Vice caché … quel vice caché ?

Tout le monde a été confronté au problème suivant : vous achetez une voiture seconde main, un bateau d’occasion, une maison à un particulier, et vous apercevez, quelques mois, quelques années après que la chose vendue révèle un vice caché … « qui rend la chose impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »  (article 1641 du Code civil)


Il s’agit d’un sujet et d’une action délicate, dont la solution dépend des circonstances de l’espèce et de fait.

On peut quand même dégager les grands principes, et dire que pour engager une action, il faut démontrer :


1° Que le vice est suffisamment grave, « …qu’il rend la chose impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »

2° Qu’il est caché. Le vice apparent et dont « l’acheteur moyen » aurait dû se rendre compte lors de son achat n’est pas pris en compte.

3° Qu’il est antérieur et existait donc avant la vente…


Par ailleurs il y a un problème de délai, à savoir que vous avez deux ans pour agir, « à compter de la découverte du vice »

Voilà pour les principes.

  • Très récemment notre Cabinet a dû défendre des vendeurs d’un bateau d’occasion.

 
L’acheteur, défendu par un autre Cabinet, demandait l’annulation de la vente en prétendant que le bateau, notamment au niveau du moteur, était affecté d’un vice caché.

Les sommes en jeux étaient importantes et le préjudice réclamé par l’acheteur, conséquent.

L’acheteur qui s’estimait floué avait préalablement saisi le Tribunal pour solliciter un expert judiciaire. L’expert judiciaire avait déposé un rapport très défavorable à nos clients.

Le Tribunal, chose assez rare, n’a pas suivi l’expert judiciaire… Il a considéré que :

« L’expert indique que l’intérieur du collecteur était caché et ne pouvait pas être décelé sans démontage par un professionnel. Pour autant, il résulte des observations précédentes et des photographies, que l’importance de la corrosion à l’extérieur du moteur, observable par un simple contrôle visuel, permettait de déduire que l’intérieur des pièces était également attaqué par la corrosion. 

Il s’en déduit qu’un simple examen visuel du moteur lors de la visite d’achat aurait permis à Monsieur D… de constater l’état avancé de la corrosion des pièces moteurs.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il n’est pas établi que le défaut dont le bateau est atteint était caché au moment de la vente. Il convient en conséquence de débouter Monsieur D… de sa demande de résolution de la vente et de dommages et intérêts. »

Dans ce cas d’espèce, le Tribunal a considéré, malgré l’avis contraire de l’expert, que l’acheteur aurait dû se rendre compte de l’état visuel du moteur dont certains organes étaient très rouillées. Il s’agissait d’un vice apparent.

La photo qui illustre cet article est en effet assez éloquente à ce sujet …

  • Notre Cabinet a eu à traiter par ailleurs un cas récent concernant l’achat d’un appartement. Nous étions cette fois pour l’acheteur.

Il s’agissait d’un appartement se trouvant dans un immeuble du 18ème siècle.

Le vendeur, avec le concours d’une agence immobilière, avait indiqué à l’acheteur que, malgré l’âge de l’immeuble, l’appartement avait été entièrement rénové et insonorisé.

Postérieurement à son achat le vendeur s’est retrouvé dans un véritable tambour avec des nuisances sonores insupportables provenant de l’appartement du dessus.

En réalité l’acquéreur vivait avec les gens du dessus… il entendait tous les bruits d’impact, tous les déplacements de chaises, la télévision…

Préalablement à notre assignation nous avions sollicité un expert privé spécialisé en acoustique qui avait rendu un rapport indiquant que les bruits étaient anormaux et au-delà de toutes les normes.

Nous avons assigné pour obtenir des fonds afin de faire les réparations d’insonorisation nécessaires.

Nous avions pris la précaution d’assigner sur deux fondements :

–    Le vice caché,

–    le défaut d’information du vendeur.

Devant le Tribunal judiciaire nous avons perdu. Nous avons alors relevé appel.

La Cour d’appel de PAU a réformé le jugement et nous a donné gain de cause mais, sur le second fondement (déloyauté et défaut d’information de la part du vendeur).

Sur le vice caché le jugement est confirmé et la Cour indique :

« C’est à juste titre que le tribunal a écarté la garantie des vices cachés due par le vendeur, en l’état du caractère prévisible d’un défaut de parfaite isolation phonique, compte tenu de l’ancienneté de l’immeuble. »

La Cour assimile le vice caché au fait que le vice était prévisible… solution discutable compte tenu du contexte.

Pour autant, la Cour nous a donné raison sur l’autre fondement de notre action :

 « Mme V…., qui ne peut arguer d’un incident de voisinage ponctuel ou de bruits mineurs, a donc manqué à son obligation de négocier de bonne foi en omettant de révéler à M.et Mme A… ce défaut d’isolation phonique à l’origine d’un conflit de voisinage ancien et récurrent

Ce défaut d’information a fait perdre à M.et Mme A…. une chance d’obtenir une diminution du prix de vente. L’accord qu’ils ont par ailleurs conclu avec le propriétaire de l’appartement du dessus pour réduire le trouble de voisinage ne les prive pas de la faculté de rechercher la responsabilité de Mme D…, pour obtenir réparation du préjudice en lien avec sa faute,

La valeur de la chance perdue doit être évaluée à 10.000 euros. »

Ce qui, avec les dommages-intérêts obtenus pour la réparation du préjudice (3.000 €) et la participation du propriétaire du dessus a permis aux acheteurs de faire les travaux d’isolation.


On voit, à travers ces deux exemples, que lors d’une vente ou d’un achat, avant de se lancer dans une action en garantie pour vices cachés, il faut réfléchir à deux fois… et s’entourer des conseils d’un spécialiste.

On voit aussi qu’avant d’assigner, il faut prévoir, lorsque cela est possible, d’autres fondements juridiques et mettre plusieurs cordes à son arc.


Dernière précision : Ne pas confondre le vice caché et le défaut de conformité de la chose vendue aux spécifications  convenues par les parties lors de la vente…. Dans ce dernier cas il s’agit d’une autre action, d’un autre fondement juridique, d’un autre problème…


Notre cabinet est là pour vous conseiller et vous aider.